Vous savez que les consommations homologuées et annoncées par les constructeurs sont souvent (très) éloignées des consommations réelles.
Mais savez-vous pourquoi ?
Pour de nombreuses raisons, en voici quelques unes (liste non exhaustive…) :
– le cycle d’homologation actuel n’est en rien représentatif de la façon dont vous roulez au quotidien. Lors de l’homologation, le conducteur du véhicule installé sur des bancs à rouleaux doit suivre le cycle (NEDC) suivant :
Le cycle se divise en deux parties :
– un cycle (ECE) répété 4 fois et qui représente un roulage de type urbain
– un cycle (EUDC) qui représente un roulage de type extra-urbain
Des accélérations peu franches (0 à 50 km/h en 26 secondes), pas de reprises, des vitesses faibles (33 km/h en moyenne) même dans le cycle extra-urbain (seulement une « pointe » à 120 km/h).
– le réglage du banc à rouleaux se fait à partir d’une classe d’inertie, qui est fonction de la masse du véhicule. Donc si on se débrouille bien on peut définir cette classe d’inertie avec un modèle léger (sans options par exemple) et homologuer un modèle plus lourd avec la même motorisation.
Des autres magouilles au niveau du Scx, des pneus, des freins, ou des marges qui sont accordées en considérant que le véhicule n’est pas totalement rôdé, …
Bref, ça va loin.
– de plus la façon dont vous conduisez tous les jours a un impact très fort sur votre consommation.
Voici ci-dessous un exemple de cartographie de CSE (Consommation Spécifique Effective) pour un moteur essence atmosphérique (qui ne possède pas de turbo). La CSE s’exprime en g/kW.h et donne donc la consommation (g de carburant par heure) par kW fourni. La CSE est directement liée au rendement du moteur : plus la CSE est basse, plus le rendement est élevé.
En abscisses, vous avez le régime moteur et en ordonnées vous avez le couple moteur (en N.m) (ne pas tenir compte de ce qui est marqué sur le graphique).
Ne tenez pas compte non plus des valeurs indiquées à côté des couleurs. Ce qu’il faut retenir, c’est que la CSE diminue quand on va du vert clair vers le rouge. (La CSE dans la zone grise est plus faible que dans la zone verte claire et ainsi de suite… jusqu’au rouge).
Il faut s’imaginer que le couple moteur, donc votre position verticale dans le graphique, est directement liée à la façon dont vous appuyez sur l’accélérateur. Vous appuyez beaucoup : vous demandez beaucoup de couple et vous vous déplacez vers le haut du graphique.
Votre position horizontale est directement liée à la vitesse du véhicule et au rapport de boîte que vous avez enclenché. Pour un rapport donné, plus vous allez vite, plus vous montez en régime donc plus vous vous déplacez vers la droite du graphique.
On voit que la zone idéale se situe à des régimes assez faibles (2000 tr/min) et une charge moteur élevée, mais pas trop. Si vous appuyez trop sur l’accélérateur, on va passer du rouge au jaune et au vert, on passe donc dans une zone où le rendement moteur est plus faible. Si vous montez trop dans les tours, on va passer du rouge jusqu’au bleu. Et là c’est la misère au niveau de la consommation : une raison de plus qui fait qu’on est souvent éloigné de la consommation du cycle (où on fait tout le nécessaire pour rester dans la zone maximale de rendement).
Vous connaissez tous le downsizing, c’est la tendance qui pousse à réduire la cylindrée du moteur pour en réduire sa consommation. En fait, la cartographie précédente permet de comprendre très rapidement le principe du downsizing.
– si on a un gros moteur, pour une utilisation normale on risque de ne pas appuyer souvent fort sur l’accélérateur et on fonctionne donc beaucoup dans la zone sous la zone optimale en rouge.
– la solution : on utilise un moteur plus petit, auquel on greffe un système de suralimentation pour assurer tout de même des performances correctes. Résultat : comme c’est un petit moteur, si on veut que ça avance, il faut appuyer sur le champignon. On se déplace donc plus facilement vers la zone rouge de rendement max.
– on peut également jouer sur les rapports de boîte. Pour baisser la conso, on entend souvent : « les rapports de boîte ont été allongés« . Pour faire avancer une voiture, il faut une certaine force, donc un certain couple aux roues, donc un certain couple moteur. Si le rapport de boîte est allongé, le couple moteur nécessaire à fournir un même couple aux roues est supérieur. On peut donc se rapprocher une fois de plus vers la zone rouge de rendement max.
Le problème avec tout ça est qu’on se retrouve avec des moteurs de plus en plus petits, et qui sont censés consommer de moins en moins. C’est en quelque sorte la réalité mais on se retrouve également avec des écarts très marqués entre les annonces réalisées par les constructeurs et les valeurs qu’on retrouve à la pompe.
Je me suis « amusé » à regarder les consos réelles de véhicules équipés de moteurs essence suralimentés (via le site http://www.spritmonitor.de/fr ) et de les comparer avec les valeurs annoncées par les constructeurs.
Vous pouvez retrouver :
– Fiat 500 TwinAir 0,9 85 cv
– BMW 320i 2,0 170 cv, 135i 3,0 306 cv
– Renault Mégane 3 1,4 TCE130, et Mégane 3 Coupé 2,0 TCE180
– Audi A1 1,2 TFSI 86 cv, A3 1,8 TFSI 160 cv, A1 1,4 TFSI 122 cv et A5 2,0 TFSI 211 cv
– Peugeot RCZ 1,6 THP 200 cv
– Mercedes E250 CGI
– Smart Fortwo 1l 84 cv
– Nissan Juke 1,6 190 cv
Il serait certes plus rigoureux d’avoir un échantillons plus élevés mais on peut tout de même dégager une tendance : plus la cylindrée est faible plus l’écart entre la conso réelle est la conso annoncée est important. La palme revient à la Fiat 500 TwinAir 85cv et son moteur bicylindre révolutionnaire avec un écart de plus de 50%… (6,28 l/100 km en moyenne par rapport aux 4,1 annoncés..) Mais c’est le moteur de l’année 2011 donc on ne dit rien 😉
Mais pourquoi cette tendance ?
– tout d’abord parce que les moteurs 2 et 3 cylindres poussent à rouler à des régimes moteurs plus élevés. Les voitures sont de plus en plus sous-motorisées, dès qu’on veut un peu de puissance, il ne suffit plus d’appuyer sur l’accélérateur mais de descendre une vitesse et là la conso explose.
– également puisqu’on atteint une limite inhérente aux moteurs essence : le phénomène du cliquetis. Nous en avons parlé dans un article précédent sur l’intérêt du SP98. Lorsque le moteur est très chargé (=pied à fond), l’essence a tendance à s’auto-inflammer. Pour éviter ce phénomène, il n’existe pas 50 solutions : on peut dégrader le moment où on allume le mélange (ce qu’on appelle l’avance à l’allumage) et on dégrade fortement le rendement et on augmente fortement la consommation.
– autre problème : tous ces petits moteurs sont équipés d’un turbocompresseur. Ce système utilise l’énergie des gaz d’échappement pour comprimer l’air à l’admission. Jusque là tout va bien. Sauf que lorsque le moteur est très chargé, les gaz d’échappement sont à une température très élevée (> 900°C) et le turbocompresseur n’aime pas trop. Une solution ? Un peu violente, certes, mais pratiquée : augmenter la richesse du mélange, c’est à dire injecter plus de carburant qu’il n’en faut pour diminuer la température.
Plus les moteurs sont petits, plus on se trouvera dans cette zone sensible (pleine charge) en fonctionnement normal.
Peu de chance qu’on trouve des moteurs plus petits que le Fiat Twinair dans la rue… Affaire à suivre !
Sources des illustrations : wikipedia.fr , germancarfans.com, Fiat, menly.fr, autospeed.com
On a vu ces dernières semaines des particuliers américains attaquer des constructeur en justice en raison de la différence entre conso annoncée et conso réelle (notamment Honda). A mon humble avis ces cycles d’homologation arrangent tout le monde, en tous cas en Europe. En effet moins de conso affichée = moins de CO2 = moins de malus éco. Le vrai problème dans tout ça c’est qu’on fini par se retrouver avec des moteurs conçus pour battre des records sur les bancs d’homologation et qui s’avère chaotiques au quotidien tant en conso qu’en agrément… BTW ce blog fait une arrivée fracassante dans mes favoris !
Exact, les américains ont toujours un peu d’avance en ce qui concerne les dépôts de plainte 😛
Cette situation devrait toutefois évoluer dans le futur avec un cycle beaucoup plus sévère et proche de la réalité.
Merci, n’hésite pas à passer régulièrement, je privilégierai la qualité des articles à la quantité..
Concernant les gaz d’échappement très chaud: avec un inter-cooler, on évite justement d’augmenter la richesse du mélange car ce « radiateur » refroidit ces gaz…par contre, y’a-t-il justement un inter-cooler sur tous les moteurs turbos? surtout pour les entrée de gamme…
Attention, l’inter-cooler refroidit les gaz frais (l’air) qui ont été comprimés par le compresseur avant d’être aspirés dans la chambre de combustion.
Le problème des gaz d’échappement chaud est directement lié à la combustion. Certes l’inter-cooler permet de réduire la température de l’air avant la combustion et par conséquent la température des gaz brulés mais le problème de la température trop élevé en amont turbine et/ou soupape d’échappement est toujours présent.
En ce qui concerne la présence des inter-coolers, comme tu le dis, il peut-être absent pour des raisons de coût. Mais tout moteur (essence ou Diesel) légèrement « poussé » a un échangeur. Il est souvent air/air mais peut être dans certains cas air/liquide..
J’ai l’exemple en tête du 1,5 dCi 65 chez Renault, qui n’est plus au catalogue je crois. C’est en fait le même moteur que les 1,5 dCi 85/90/105 sauf qu’il était dépourvu (entre autres) d’un intercooler..
L’eco conduite est faite de départ canons en rapport court, pour maximiser la vitesse de croisière sur rapport long. Il est nettement plus rentable de faire 1-5 en brûlant de la gomme, que 1-2-3-4-5 en douceur.
Attention je suis 100% d’accord avec l’article, mais en pratique, on se rend compte que ce sont les durées qui comptent plus que les rendements.
Accélération le plus court possible, décélération longue pour recharger les batteries, injecteurs coupés… Etc.
On est d’accord, la façon de conduire joue énormément sur la consommation !
Je pourrais d’ailleurs essayer (même si d’autres l’ont fait avant moi) , de recenser un peu les différentes méthodes d’éco-conduites et de les associer au principe technique.. A voir !
J’ignore si ce blog est toujours mis à jour mais il est très intéressant et un tel article y aurait sa place !
Surtout dans le cas d’une boite manuelle, la rapidité et la douceur du changement de rapports en minimisant la perte d’élan, améliore la conso ; mais comme le commun des mortels ne sais pas le faire comme un pilote pro, réduire le nombre de changements de rapports suivant les situations peut aider.
En tout cas c’est ce que je fais quand je suis fatigué !
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super intéressante
Super et merci
je recherchais ce genre d’info
j’hésitais entre plusieurs véhicules, j’ai saute sur une occasion, en me posant encore des questions sur le type de moteur essence
ce que je peux lire ici me rassure
j’hésitais entre les nouveaux modèles 3 cylindres (c3, 208, 2008) que je pensais utilisé avec coffre de toit, j’ai opté pour une clio3 estate
je possède une polo 1.0 60 2015 4 cv 3 cylindres , donnée pour 4.2/100km d après constructeur , pour 455 km j’ai remis 16.10 l ( total excellium 98 ) faites vos calcul , j’oubliais , routes départementale en général.
Vous n’êtes pas loin d’un record du monde car la moyenne pour cette voiture se situe plutôt aux alentours de 6,4 L/100km 🙂
https://www.spritmonitor.de/fr/apercu/50-Volkswagen/451-Polo.html?fueltype=2&constyear_s=2014&power_s=59&power_e=61&powerunit=2
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